Projet de loi "démocratie sociale et réforme du temps de travail"
En première lecture à Assemblée nationale ~ 2ème séance du lundi 7 juillet 2008
A l'ordre du jour :
- forfait jours : il passe de 218 à 235 jours (plus de RTT) avec un maximum possible de 282 jours ;
- temps de repos journalier : au minimum 11 heures ;
- temps de travail journalier : maximum 13 heures
- horaire annuel légal : 3095 heures
- majoration pour jours supplémentaires : 10%
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Assemblée nationale
Compte rendu
analytique officiel
Séance du lundi 7 juillet 2008
2ème séance
Séance de 21 heures 30
9ème séance de la session
Présidence de M. Marc Laffineur, Vice-Président
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
DÉMOCRATIE SOCIALE (suite)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
ART. 17 (suite)
M. Jean Mallot – Je défendrai ensemble les amendements 1251 à 1265, qui portent sur l’alinéa 15, concernant la convention de forfait en jours pour les cadres, et plus particulièrement la notion d’autonomie dans l’organisation de l’emploi du temps de ces derniers. Il s’agit de préciser les choses, en mentionnant non l’autonomie, mais le degré d’autonomie, car le salarié cadre est évidemment dans une relation de subordination vis-à-vis de son employeur. Nous ne sommes pas dans la situation de l’auto-entrepreneur !
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission des affaires culturelles – Nous avons déjà eu le débat sur l’autonomie. La commission a repoussé ces amendements, pour les raisons déjà exposées au cours de la séance précédente.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité – Même avis.
M. Alain Vidalies – Si nous n’avons pas encore réussi à vous convaincre malgré tous nos arguments, peut-être y parviendrai-je quand je vous aurai dit d’où vient cette proposition. Le Figaro a publié un débat entre MM. Copé et Chérèque, dans lequel le premier s’est exprimé de la façon suivante : « Je vous rejoins aussi sur la question des salariés autonomes. Le débat parlementaire doit nous permettre d’avancer. L’idée dans ce domaine, c’est bien de mettre des limites et des bornes ».
M. Jean-Pierre Soisson – Ce n’est pas le code du travail !
M. Alain Vidalies – Que puis-je faire d’autre que vous demander de suivre le président du groupe majoritaire ? Cela s’impose d’autant plus que l’ancien ministre du travail, M. Larcher, a lui aussi souhaité poser des limites. Nous n’avons, sur cet amendement, aucune revendication de paternité ; si vous souhaitez le reprendre au nom de l’UMP, nous en sommes d’accord.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Monsieur Vidalies, vous essayez de me mettre en contradiction avec mon président de groupe préféré, ainsi qu’avec mon sénateur-maire. Je vous ai rappelé, avant la fin de la précédente séance, notre volonté de préciser la notion d’« autonomie », qui nous semblait juridiquement incertaine. J’ai présenté à ce sujet un amendement en commission, que j’ai retiré, notamment suite à vos observations, ne souhaitant pas étendre le champ d’application de cette disposition. Le débat entre MM. Copé et Chérèque a eu lieu avant ce retrait, et les éclaircissements nécessaires ont été apportés en commission. Le texte actuel ne va contre la pensée ni du président de groupe, ni du sénateur-maire, et je demande donc le rejet de ces amendements.
Les amendements identiques 1251 et suivants, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. Alain Vidalies – Les amendements 1266 à 1280 tendent à ce que, pour les salariés relevant d’une convention de forfait en jours, il soit fait référence aux responsabilités exercées. Monsieur le rapporteur, j’ai cité en vain MM. Copé et Larcher ; je vous citerai donc vous-même, en désespoir de cause. Il est écrit à la page 207 de votre rapport : « Il est important de s’efforcer de définir au plus près la notion d’autonomie ». Tous ces engagements, qui visent d’ailleurs à répondre à une demande des syndicats, vont-ils rester sans effet ? Pour éviter un élargissement du champ d’application, nous souhaitons maintenir l’interprétation traditionnelle en matière de conventions de forfait, interprétation qui tient compte des responsabilités.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable. J’ai déjà répondu sur ce point.
Les amendements identiques 1266 et suivants, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. Alain Vidalies – Les amendements 1281 à 1295 visent à réserver les conventions de forfait en jours aux salariés cadres qui remplissent des conditions précises de fonction et d’organisation d’emploi du temps. En effet, soit le forfait jour est un dispositif souple, et il convient alors de lui assigner un champ d’application restreint ; soit sa définition est plus stricte, et il peut dès lors s’appliquer à un public plus large. Or, votre texte pose des règles très souples tout en s’appliquant à un maximum de personnes, ce qui revient à cumuler tous les inconvénients.
Les amendements identiques 1281 et suivants, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. Jean Mallot – À partir du moment où vous refusez de limiter la convention de forfait jours aux cadres, il nous paraît important de la limiter aux salariés « itinérants, sous réserve qu’ils aient individuellement donné leur accord par écrit ». Certes, le travail de ces salariés donne lieu à une organisation particulière, qui peut justifier la conclusion de conventions au sein de cette catégorie. Encore faut-il l’accord exprès des intéressés : tel est le sens des amendements 1311 à 1325.
Les amendements identiques 1311 et suivants, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. Alain Vidalies – Les amendements 1296 à 1310 sont défendus.
Les amendements identiques 1296 et suivants, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – L’amendement 85, répondant à certaines préoccupations de nos collègues de l’opposition, dispose que la mise en œuvre d’une convention individuelle de forfait en jours sur l’année requiert l’accord du salarié, et que la convention est établie par écrit. Il s’agit d’harmoniser le texte suite aux modifications adoptées pour le forfait en heures, dans un souci de parallélisme des formes.
L’amendement 85, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous souhaitons rédiger ainsi la fin de l’alinéa 17 et l’alinéa 18 de cet article : « au plafond de 218 jours. L’accord collectif prévu à l’article L. 3121-39 fixe par ailleurs le nombre annuel de jours travaillés en tenant compte de ce plafond. Le nombre annuel de jours travaillés est fixé en respectant l’application du repos quotidien minimal de onze heures, des jours de congés payés correspondant à au moins cinq semaines de congés payés, de l’application de deux jours de repos par semaine et des jours fériés chômés ».
Tant les salariés cadres que non cadres sont touchés par la régression sans nom que vous organisez ici, puisque le plafond de 218 jours travaillés disparaît en tant que tel pour n’être plus que le seuil de déclenchement d’un paiement majoré de 10 % – quelle générosité ! –, que seuls les dimanches sont préservés, sauf d’ailleurs dans le secteur du commerce, et que les congés payés sont réduits, en cas de travail le samedi, à quatre semaines. Enfin, la journée de travail pourra être de treize heures, voire davantage puisqu’une dérogation sera possible. Ce dispositif démantèle bel et bien le droit en matière de durée maximale du temps de travail. C’est, je le répète, une régression sociale. Les amendements 1326 à 1340 visent à en corriger les effets.
M. Christophe Sirugue – Si l’on considère le nombre annuel maximal de jours travaillés comme une norme sociale, il est clair que ce projet de loi, qui autorise à aller jusqu’à 285 jours, est une véritable régression. Si nous n’y remédions pas, seuls seront préservés dans l’année les dimanches – et encore, puisqu’une réforme est envisagée –, quatre semaines de congés payés et le 1er mai. Nos amendements précisent que le nombre annuel de jours travaillés doit respecter le repos quotidien de onze heures sans dérogation, un repos hebdomadaire de deux jours, des jours fériés chômés et au moins cinq semaines de congés payés.
M. Jean-Marie Le Guen – Ces amendements vont au cœur du débat. Vous pensez, à mon avis à tort, que c’est l’intensification du travail qui va rendre à la France sa compétitivité. Nous pensons que c’est, premier lieu, par l’investissement dans les hommes et dans la recherche et développement qu’on y parviendra.
Plusieurs députés du groupe UMP – Et nos efforts pour la recherche ?
M. Jean-Marie Le Guen – Vous prônez l’intensification du travail comme élément majeur de la compétitivité…
Plusieurs députés du groupe UMP – L’un des trois éléments majeurs !
M. Jean-Marie Le Guen – …parce que vous considérez que le coût du travail est ce qui pèse le plus en la matière. Mais il suffit de voir les résultats de l’Allemagne, qui a un coût du travail comparable au nôtre, pour comprendre que ce poids n’est que secondaire. Ce choix de l’intensification du travail, qui n’est pas qu’économique car il a des conséquences sociales et sanitaires, aura des effets pervers. Ce sera le cas sur le travail des seniors par exemple, qui est un enjeu majeur pour l’avenir de notre système des retraites et pour la capacité de travail de notre pays. Les seniors renonceront à toute formation parce qu’ils seront – cela n’existe pas que pour les cadres supérieurs – en situation de burn out. Avec votre mirage du pouvoir d’achat, qui est par ailleurs rogné par l’inflation et la vie chère, vous êtes en train de développer un burn out généralisé dans le salariat français. C’est non seulement desservir la politique sociale, mais aussi aller contre la modernité et contre la compétitivité de l’économie française (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).
Plusieurs députés du groupe UMP – C’est M. Le Guen qui est en plein burn out !
M. Jean-Marie Le Guen – Les salariés n’ont qu’à travailler, c’est ça ? De la sueur, toujours plus de sueur ! (Interruptions sur divers bancs)
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – La commission a repoussé ces amendements, au profit de celui qui va être discuté et qui plafonne le nombre de jours au forfait (Brouhaha sur tous les bancs).
Les amendements identiques 1326 et suivants, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Mme Martine Billard – L’amendement 136 vise à en rester à 218 jours. L’ensemble des cinq confédérations syndicales reconnues sont hostiles à un dépassement de ce nombre, qui prend en compte tous les droits actuels des salariés – congés payés, jours de repos, jours fériés – et les jours de RTT. À partir du moment où l’on va plus loin, il n’y a plus de réduction du temps de travail : terminé les 35 heures pour les salariés nouvellement embauchés, y compris pour ceux qui sont au forfait jours – contrairement à ce que vous tentez de faire croire ! – et le tout contre une rémunération ridicule. Et le passage à 235 jours, ainsi que va le proposer la commission des affaires sociales, signifie la disparition des jours chômés payés autres que le 1er mai. Aujourd’hui, il est possible de bénéficier de neuf jours chômés payés, selon les accords de branche. Avec un plafond de 235 jours, plus de jour de Noël chômé payé !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Tout est faux !
Mme Martine Billard – Plus de jour de l’an, de 8 mai, d’Ascension, de 14 juillet, de 15 août, de 11 novembre chômés payés !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Tout est faux !
Mme Martine Billard – Les salariés qui voudront passer Noël en famille, célébrer le 8 mai, aller sur les tombes de leurs proches à la Toussaint devront prendre sur leurs congés payés (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Ils n’auront plus d’autre solution. Le MEDEF avait rêvé de supprimer les jours chômés payés, vous êtes en train d’y parvenir grâce aux forfaits jours, avec la disparition des jours de RTT en prime. Remarquez que cela représente des économies pour le budget de l’État : les exonérations fiscales de la loi TEPA trouveront moins à s’appliquer !
Mais le plafond de 235 jours ne s’appliquera que par défaut. On pourra en fait aller jusqu’à 250 jours, comme le propose d’ailleurs la commission des affaires économiques – ce qui fait travailler un samedi sur trois – ou même 288 si l’on utilise toutes les possibilités du texte, y compris le dépôt de la cinquième semaine de congés payés sur le compte épargne temps. Votre volonté, c’est que les salariés n’aient plus comme objectif que de travailler. Plus de formation, plus de vie sociale, plus de fêtes familiales. Ce que vous appelez la valeur travail, c’est l’exploitation maximale ! C’est pourquoi mon amendement vise à en rester à 218 jours, bien que je me sois toujours battue contre le forfait jours, car c’est la seule solution supportable (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – L’amendement 86, deuxième rectification, répond à la volonté de limiter le nombre de jours travaillés dans l’année, dans le cadre des forfaits jours. Il instaure pour cela un plafond, fixé à 235 jours, ce qui correspond à un jour férié chômé – le 1er mai –, à trente jours de congés payés et à deux jours de repos hebdomadaire garantis sur l’année. Ce plafond s’appliquera lorsque les conventions collectives n’auront pas opté pour un plafond plus élevé. La mesure évitera par ailleurs à l’employeur de justifier du choix d’un plafond. Enfin, ce chiffre de 235 jours résulte d’un calcul facilement compréhensible et qui évite la diversité des limites d’une entreprise à l’autre.
Mme Martine Billard – Pour cela, vous pouviez aussi en rester à 218 !
M. Francis Vercamer – Cet amendement résulte d’une proposition du Nouveau centre – comme en témoigne notre amendement 229, identique. Il s’agit de fixer un cadre. Le groupe socialiste a présenté des amendements visant à respecter le repos quotidien, hebdomadaire et les congés payés : tout cela se retrouve dans cet amendement. Dans le cas d’un dépassement des 218 jours, négocié par les partenaires sociaux dans l’entreprise, il restera toujours deux jours de congés par semaine. À défaut d’accord, 235 jours paraît le maximum à ne pas dépasser.
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – À titre personnel, je suis favorable à l’amendement 86, deuxième rectification, mais je dois vous présenter un amendement 105 au nom de la commission des affaires économiques. L’article 17 du texte dispose que le nombre maximal de jours travaillés est fixé par accord collectif ou à défaut par l’employeur, après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel. Il en résulte que ce nombre pourrait atteindre 282 jours, déduction faite des trente jours de congés payés, des cinquante-deux jours de repos hebdomadaire et d’un jour férié. Ce chiffre nous paraît excessif. Nous proposons donc un plafond de 250 jours applicable à défaut d’accord.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Encore un progrès social !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Tout ce qu’a dit Mme Billard est faux, sans exception. Ce n’est pas parce qu’elle parle avec conviction qu’elle ne dit pas des contrevérités. Les plafonds sont des maxima, et il va de soi que si les jours fériés sont chômés en vertu d’une convention collective ou d’un usage, ils le demeureront ; mais je vous soupçonne fort de le savoir ! Les Français sont pétris de bon sens, vous ne réussirez pas à leur faire peur.
Sur l’amendement déposé par M. Vercamer, devenu amendement de la commission, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. Benoist Apparu – Le groupe UMP soutient cet amendement. Comme l’a dit le ministre, tous les arguments qui viennent d’être utilisés sont erronés.
Est-ce que la législation actuelle interdit de travailler au-delà de 218 jours ? Évidemment non ! Dans le cadre des lois Aubry II, on peut travailler jusqu’à 282 jours.
Dans le projet modifié par la commission, la limite de 218 jours est le seuil de déclenchement des jours supplémentaires donnant lieu à un bonus de 10 %, lequel n’existait pas dans les lois Aubry.
Enfin, le plafond de 235 jours s’appliquera par défaut, en l’absence d’accord collectif dans l’entreprise ; la loi permettant actuellement d’aller jusqu’à 282 jours, c’est une avancée sociale considérable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
Mme Martine Billard – Il faut vous remercier, alors !
M. Benoist Apparu – En effet !
M. Alain Vidalies – Je défends tous nos sous-amendements à l’amendement de la commission – du 1751 au 1828 – en même temps.
On nous propose que le forfait jours, limité à 218 jours dans l’année, puisse faire l’objet d’un aménagement grâce à l’invention d’un nouveau concept, celui de « nombre maximal de jours travaillés ». À M. Apparu, qui nous parle de grande avancée sociale, je veux relire l’article L. 3121-49 du code du travail : « Lorsque le nombre de jours travaillés dépasse le plafond annuel fixé par la convention ou l’accord, le salarié bénéficie, au cours des trois premiers mois de l’année suivante, d’un nombre de jours égal à ce dépassement ». Voilà ce qui se passe aujourd’hui quand on dépasse 218 jours. Mais vous, vous voulez fixer un autre plafond : quelle régression !
Monsieur le ministre, le rapporteur nous a expliqué comment on arrivait à 235 jours : c’est ce qui reste à travailler quand on a enlevé le 1er mai, les trente jours de congé et deux jours de repos hebdomadaire ; il n’est pas question des jours fériés, la démonstration de Martine Billard était donc tout à fait pertinente. Vous nous dites que rien ne changera si les jours fériés étaient prévus par une convention collective : dont acte. Mais alors, il faudrait peut-être écrire quelque part que vous faites une exception à votre nouvelle hiérarchie des normes afin que, sur ce point, la convention collective de branche l’emporte sur l’accord de l’entreprise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)
Monsieur le rapporteur, je vous remercie car au moins, vous dites les choses telles qu’elles sont. Je remarque néanmoins que les salariés auront pour seule protection les 11 heures de repos quotidien ; cela signifie qu’ils pourront travailler 13 heures par jour et 13 heures pendant 235 jours, cela fait quand même 3 055 heures de travail dans l’année : cela nous ramène, disons, entre 1919 et 1935… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)
Et vos 235 jours, ce n’est pas un plafond : cette limite ne vaudra qu’à défaut d’accord d’entreprise, lequel pourra aller jusqu’à 282 jours !
Accord d’entreprise, plus de protection par l’accord de branche, forfait jours étendu à des salariés qui ne sont pas aujourd’hui concernés, dépassement du plafond de 218 jours : il est rare qu’un seul article fasse faire une telle régression sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)
Mme Martine Billard – Le ministre a beaucoup d’aplomb pour nier les réalités lorsqu’elles sont peu porteuses médiatiquement : après la semaine de 48 heures, la suppression des jours fériés ! Le rapporteur, lui au moins, assume le fait que pour arriver à 235 jours, on ne conserve que le 1er mai ; et dès lors que vous avez inversé la hiérarchie des normes, le salarié pourra se voir privé, par l’accord d’entreprise, d’autres jours fériés chômés et payés. Il aurait fallu, pour garantir ces jours fériés, vous arrêter à 225 jours – ou même 227, pour tenir compte du fait que certaines dates fériées tombent un jour non travaillé. Vous devrez assumer aussi cette réalité, Monsieur le ministre !
M. Benoist Apparu – Nous l’assumons tous !
Mme Martine Billard – Dans son rapport, le rapporteur indiquait que « le chiffre de 1 472 heures par an par salarié à temps complet place la France au dernier rang des pays de l’Union européenne », en précisant que « la moyenne européenne s’élève à 1 727 heures s’agissant de l’Europe à 15, 1 739 heures s’agissant de l’Europe à 27 ». Ce qui est sûr, c’est qu’avec vos forfaits jours, la France crève les plafonds européens ! Vous aurez votre place dans le Livre des records.
M. Benoist Apparu – Il faut comparer les cadres avec les cadres !
Mme Martine Billard – Les 235 heures, de plus, ne sont un plafond que s’il n’y a pas d’accord : certains accords pourront fixer un plafond entre 218 et 235, d’autres au-delà même, entre 235 et 282. Est-ce un progrès ? C’est la porte ouverte au maximum possible : 282 jours travaillés, 13 heures par jour, un seul jour de repos par semaine, et plus aucun jour férié. Assumez-le publiquement ; osez dire à l’opinion que votre modèle social, ce sont des travailleurs qui travaillent constamment ! Mais vous n’avez pas le courage d’assumer ce que vous faites ! (Applaudissements sur les bancs du SRC et du groupe GDR ; protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Yves Le Bouillonnec – J’ajoute que votre amendement, Monsieur le rapporteur, supprime l’alinéa 18 de l’article : dès lors, on pourrait aller au-delà des 235 jours, lorsqu’il y a un accord collectif, sans respecter les obligations relatives au repos quotidien et au repos hebdomadaire. Pourquoi retirez-vous la référence contenue dans le projet ? Ces maxima constitueraient un petit frein lorsqu’il y a un accord collectif.
Plusieurs députés UMP – C’est incroyable !
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable à tous les sous-amendements. Je précise que l’amendement de la commission conserve les dispositions initialement contenues dans l’alinéa 18 ; cette nouvelle rédaction évite simplement une redondance.
M. Roland Muzeau – Et les jours fériés ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Avis défavorable. Vous ne réussirez pas à occulter le fait que ce n’est pas ici, dans cet hémicycle, mais au sein de chaque entreprise que les problèmes se règleront, par des accords (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et selon des règles précises ! Je sais que cela vous gêne de ne pas décider à la place des salariés : c’est dans votre nature ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Ce que nous voulons, c’est une loi qui apporte des garanties…
Un député SRC – Quelles protections apportez-vous ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – …mais aussi des libertés dans l’entreprise. La différence entre vous et nous, vous devriez l’assumer : c’est à cause d’elle que vous êtes dans l’opposition ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Alain Vidalies – À court d’arguments, vous en arrivez là ! Mais, depuis le début de notre débat, qui décide à la place non seulement des salariés, mais aussi des entreprises ? C’est bien vous, Gouvernement et majorité, qui ne respectez pas un accord signé par les partenaires sociaux. Vous faites voter un amendement pour reporter l’accord UPA ! C’est bien l’UMP qui a décidé à la place des partenaires sociaux, à la place des salariés, à la place des entreprises. Comment, ensuite, osez-vous nous donner des leçons ?
Les sous-amendements 1751 à 1763, 1764 à 1776, 1777 à 1789,1790 à 1802, 181, 1803 à 1815, 1816 à 1828, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
L’amendement 136, mis aux voix, n’est pas adopté.
Les amendements identiques 86, deuxième rectification, et 229, mis aux voix, sont adoptés.
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis – L’amendement 105 est retiré.
Mme Martine Billard – Nous préférons, effectivement, les accords de branche aux accords d’entreprise.
M. Benoist Apparu – Et nous l’inverse !
Mme Martine Billard – La majorité des entreprises sont de petites entreprises, où l’implantation syndicale est faible ; les accords de branche protègent donc mieux les salariés. Les accords d’entreprise seront d’ailleurs défavorables au patronat des petites entreprises aussi ; vous ajoutez le dumping économique au dumping social ! Monsieur le ministre, vous êtes en porte-à-faux sur les 48 heures, sur les jours fériés ; vous avez tort, et pour le cacher vous avez recours à des attaques politiciennes. Mais l’opinion publique et les salariés ne s’y trompent pas !
M. Alain Vidalies – Les amendements 1341 à 1355 sont défendus, de même que les amendements 1356 à 1370.
Les amendements identiques 1341 à 1355, repoussés par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que les amendements identiques 1356 à 1370.
Mme Martine Billard – L’amendement 138 propose de supprimer les alinéas 19 et 20, qui – contrairement à ce qu’affirme M. le ministre – ouvrent la possibilité d’une procédure de gré à gré. « Le salarié qui le souhaite » – c’est la poésie du code du travail – « peut travailler au-delà de la durée annuelle fixée par la convention individuelle de forfait ou renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire ».
L’amendement supprime cet alinéa : à quel jour de repos, en effet, pourrait bien renoncer le salarié ? Il ne lui en restera pas beaucoup : on ne peut renoncer à quatre semaines de congé légales – la cinquième pouvant, elle, être versée sur le compte épargne-temps ; on ne peut renoncer au 1er mai, le code du travail l’interdit ; on ne peut renoncer au jour hebdomadaire de congé, puisqu’il en faut un même si l’on travaille le dimanche. Soyez donc pragmatiques : cet alinéa sur le « gré à gré » est inapplicable dans le dispositif que vous venez de voter. Pour des raisons de santé publique, pour des raisons de santé des salariés, pour des raisons de compétitivité économique, pour des raisons tout simplement pragmatiques, il faut supprimer cet alinéa.
M. Roland Muzeau – Ces dispositions sont un mauvais coup supplémentaire porté à l’ordre public social. Vous nous dites qu’il faut laisser au salarié la liberté de choisir entre prendre le repos qui lui est dû ou en obtenir une contrepartie salariale : cette conception est démagogique et dangereuse, car elle tend à subordonner au « travailler plus pour gagner plus » la santé et la sécurité des salariés, qui sont des exigences humaines et sociales, et qui doivent – comme toute disposition d’ordre public – échapper à la libre décision du salarié.
Vous faites des seules 35 heures l’unique cause du gel des salaires dans notre pays, mais la cause structurelle de la modération salariale – et vous ne l’ignorez pas – est surtout le poids exorbitant des revenus du capital par rapport aux revenus du travail. Alors que la productivité des salariés français n’a jamais été aussi forte – je lisais dans un journal économique qu’elle est la troisième au monde –, les augmentations de salaires n’ont jamais été aussi faibles. C’est le résultat de votre politique ; un sociologue parlait de la création d’un précariat de millions de salariés.
Or certaines caisses privées sont pleines, débordent même : la capitalisation du CAC 40 a dépassé l’an dernier mille milliards d’euros, soit un doublement en cinq ans ; les 500 familles les plus riches ont gagné 80 milliards d’euros de plus ; les niches fiscales représentent 72 milliards d’euros ; 65 milliards d’exonérations de cotisation ont été offerts aux chefs d’entreprises et aux actionnaires. Tout cela sans résultats, comme l’a souligné avec beaucoup de pertinence le Premier président de la Cour des comptes. Au total, ce sont 148 milliards d’euros qui ont été prélevés sur les salaires pour devenir des revenus de la rente financière.
Contrairement à ce que la majorité prétend, notre pays a largement les moyens d’assurer un minimum de justice redistributive. Vos discours misérabilistes, prétendument de bon sens, cachent une volonté de baisser le coût du travail en établissant une nouvelle « servitude volontaire », dont chacun aura compris la nature réelle. D’où l’amendement 270.
M. Jean Mallot – Par les amendements identiques 1371 à 1385, nous demandons la suppression des alinéas 19 et 20. La durée annuelle du travail sera non seulement fixée par une convention individuelle alors que le salarié se trouve en situation de faiblesse par rapport à son entrepreneur, mais vous allez encore plus loin en demandant qu’il puisse travailler encore davantage.
Quand vous précisez que « c’est en accord avec l’employeur », vous êtes décidément trop bons (Sourires). Si l’employeur trouve que le salarié exagère, croyez-vous qu’il prendra sur lui pour le protéger ? Le salarié pourrait renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’un peu d’argent supplémentaire. S’il le « souhaite », il aura ainsi le droit de sacrifier sa santé.
Pis encore, l’alinéa 20 fait dépendre la majoration de la rémunération d’un avenant à la convention de forfait. Or, chacun sait que le rapport de forces est défavorable aux salariés dans l’entreprise.
Jusqu’où irez-vous donc dans le dumping en matière de conditions de travail et de rémunération ? Ce que vous proposez est tout simplement inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)
M. Christophe Sirugue – Ce texte ne vient pas en discussion par hasard : la révision de la directive européenne sur le temps de travail n’est pas sans rapport avec votre volonté de déréguler le droit du travail, même si c’est sans assumer vos actes.
En l’occurrence, vous allez tout simplement légitimer l’opting out et la négociation de gré à gré. Vous présentez ce type de relations comme l’affirmation de la liberté d’échange entre l’entrepreneur et le salarié. Mais cela n’a rien voir. Quand on travaille dans une TPE ou dans une PME, de quelle marge de manœuvre dispose-t-on réellement ?
Le mécanisme que vous voulez instaurer ne fera que fragiliser davantage les équilibres au sein des entreprises. C’est pourquoi nous vous demandons, par l’amendement 1372, de supprimer les alinéas 19 et 20.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – La commission a repoussé ces amendements identiques : l’esprit général du texte est de favoriser les accords entre les employeurs et les salariés, lesquels ne pourront être contraints à signer quoi que ce soit.
Je précise également que la suppression de l’alinéa 20 nous ferait revenir au régime actuel, qui ne prévoit aucune rémunération supplémentaire dans ce domaine.
Les amendements identiques 138, 269 et 1371 à 1385, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. Francis Vercamer – L’amendement 226 rectifié tend à ce que l’accord entre les parties soit établi par écrit.
Mme Martine Billard – Par l’amendement 139, nous souhaitons établir clairement que le refus d’un salarié d’exécuter des heures de travail au-delà de la durée annuelle fixée par sa convention individuelle de forfait ou de renoncer à une partie de ses jours de repos ne peut être considéré comme une faute ou un motif de licenciement.
Certains salariés pourront en effet choisir de ne pas travailler plus pour gagner plus, préférant se contenter de leur salaire. Puisque vous êtes en faveur de la liberté absolue, laissez-leur au moins ce choix !
M. Roland Muzeau – L’amendement 270 a le même objet. Le ministre a prétendu tout à l’heure que ce type de demande était satisfait. Mais nous aimerions quelques explications : à notre connaissance, il y a aujourd’hui un vide juridique qui suscitera une multiplication des contentieux au détriment des salariés.
M. Régis Juanico – L’amendement 1392 est lui aussi relatif au rapport de forces au sein de l’entreprise. Nous ne voulons pas que le refus du salarié puisse être considéré comme une faute ou un motif de licenciement.
Comme je l’ai déjà rappelé, les résultats de la loi TEPA ne sont pas bons. En 2007, 7 % seulement des entreprises ont recouru à ce dispositif, et elles ne sont que 20 % à annoncer qu’elles l’utiliseront en 2008. D’après une étude de la CEGOS, 75 % des salariés prennent intégralement leurs journées de RTT et ils sont 80 % à ne pas souhaiter travailler davantage.
Les rapports de force étant en la défaveur des salariés, nous voulons que la loi les autorise à dire « non » à leur employeur. Tel est l’objet des amendements 1386 à 1400.
Mme Catherine Lemorton – L’exemple de Goodyear, que j’ai déjà cité, démontre bien quelles sont les capacités réelles de refus des salariés : on leur enjoint d’accepter un accord relatif au temps de travail en échange du maintien de l’emploi.
Dans les très petites entreprises ne comptant ni délégués du personnel, ni comité d’entreprise, les salariés n’auront pas les moyens de se défendre. Pensons aux salariés, et adoptons l’amendement 1393.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis favorable à l’amendement 226 rectifié, mais défavorable aux amendements 139, 270 et 1386 à 1400. Il est difficile d’imaginer que l’accord se fera contre le gré du salarié…
M. Roland Muzeau – Vous avez bien peu d’imagination !
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – C’est tout de même à lui qu’il appartiendra de faire une demande.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même position que la commission sur ces amendements. L’alinéa 19 repose sur le souhait du salarié, qui est à l’initiative de la demande. Un refus du salarié ne saurait à l’évidence constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).
Mme Chantal Brunel – J’aimerais davantage de précisions. Il n’est pas question de licencier un salarié pour refus de travailler au-delà du quota : c’est du « temps choisi ». Dans ces conditions, pourquoi ne pas accepter ces amendements ? Ce serait un facteur de clarté (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Pensons en particulier à toutes les femmes qui travaillent.
M. Alain Vidalies – Nos efforts ne sont pas tous vains dans ce débat, puisqu’une porte-parole du groupe UMP vient d’apporter son soutien à nos amendements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Pour laisser le temps à l’UMP de passer des paroles aux actes, je demande une suspension de séance.
La séance, suspendue à 22 heures 45, est reprise à 22 heures 55.
M. le Président – Je suis saisi d’une demande de scrutin public sur l’amendement 139.
M. Jean Mallot – Rappel au Règlement. Nous avons pu, au cours de ce débat intéressant, présenter nos arguments et convaincre, semble-t-il, Mme Brunel. Nous avons donc demandé une suspension de séance afin de permettre au groupe UMP de rédiger l’amendement suggéré par notre collègue. Nous souhaiterions savoir ce qui est sorti de ces travaux.
L’amendement 226 rectifié, mis aux voix, est adopté.
À la majorité de 65 voix contre 30 sur 95 votants et 95 suffrages exprimés, les amendements identiques 139, 270 et 1386 à 1400 ne sont pas adoptés.
M. Francis Vercamer – L’amendement 216 vise à réintroduire la majoration de 25 % de la valeur afférente à la journée de travail supplémentaire effectuée, sachant qu’un accord collectif peut prévoir un taux de majoration différent, qui ne peut toutefois être inférieur à 10 %. « Travailler plus pour gagner plus » suppose que tout travail supplémentaire soit convenablement rémunéré : il convient donc de modifier légèrement le texte afin de revenir à la norme des 25 %.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Défavorable.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Défavorable.
L’amendement 216, mis aux voix, n’est pas adopté.
Mme Martine Billard – Par rapport à la loi TEPA, qui a rétabli des taux de majoration des heures supplémentaires de 25 % et de 50 %, ces 10 % représentent une régression. Vous pouviez difficilement proposer moins que ce « gagner plus » bien mesquin !
L’amendement 140 vise à rétablir les taux de majoration actuellement prévus par l’article L. 3121–22, afin que les salariés au forfait jours, sur qui pèsera une très lourde charge de travail, puissent tout du moins « en avoir pour leur argent ».
M. Roland Muzeau – Le premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail fixe un taux indicatif, que l’on peut considérer de droit commun : 25 % pour les huit premières heures supplémentaires et 50 % au-delà. Le deuxième alinéa permet d’y déroger : une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut arrêter un taux différent, qui ne peut toutefois être inférieur à 10 %.
L’alinéa 20 est rédigé différemment : il fait référence au seul taux de majoration minimal, sans rappel des dispositions du premier alinéa de l’article L. 3121-22. Précisons du moins que les taux de droit commun sont bien ceux fixés par le premier alinéa, ou renvoyons aux dispositions dudit article. C’est le sens de notre amendement 1659.
Mme Danièle Hoffman-Rispal – Quand vous ne voulez pas supprimer les dispositions qui nous posent problème, nous essayons de les modifier. Quand on travaille plus, on mérite de gagner plus : nos amendements 1401 à 1415 proposent donc une majoration d’au moins 25 % du travail supplémentaire.
Je reviens sur les propos de Mme Brunel, qui sont le bon sens même. Voilà quatre jours que nous répétons inlassablement ce qu’elle vient de dire en une phrase : qu’il s’agisse de l’inversion de la hiérarchie des normes, de l’assouplissement des 35 heures, du forfait jours ou du forfait heures, la négociation de gré à gré tourne rarement à l’avantage du salarié, surtout dans les TPE et les PME. Nous ne disons pas que cette négociation n’est pas possible, mais simplement qu’un accord de branche permet de minimiser les risques. Merci, Madame Brunel : vous avez raison, il fallait voter ces amendements !
M. Régis Juanico – Brunel, c’est Blücher qui arrive à Waterloo !
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – La commission a repoussé ces amendements. En effet, cette possibilité de dépassement ne donne lieu à aucune forme de majoration dans les lois Aubry. De plus, le taux de 10 % est celui de la majoration conventionnelle des heures supplémentaires, et c’est un minimum. Enfin, il est harmonisé avec les dispositions de la loi du 8 février 2008.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis.
Les amendements 140 et 1659, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Les amendements 1401 et suivants, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. Roland Muzeau – L’amendement du rapporteur propose d’étendre l’objet de l’entretien annuel prévu à l’alinéa 21 à l’organisation du travail dans l’entreprise ainsi qu’à l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale. Il améliore donc le texte initial, mais sans lever la principale réserve que celui-ci nous inspire. Actuellement, les modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés concernés, l’amplitude de leurs journées d’activité et la charge de travail qui en résulte doivent être prévues explicitement par les conventions ou accords collectifs de mise en œuvre des forfaits jours. La charge annuelle de travail est donc un thème de la négociation du forfait annuel. Vous proposez qu’elle ne fasse plus l’objet que d’un entretien individuel annuel : c’est pour nous une régression. Une fois de plus, vous faites mine d’ignorer le lien de subordination qui caractérise la relation de travail et fragilise le salarié. L’amendement 1661 vise donc à supprimer cet alinéa.
L’amendement 1661, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.
M. Francis Vercamer – L’entretien individuel a beau être prévu par la loi, il peut être oublié dans la convention et donc donner lieu à des litiges ou à des contentieux. Par l’amendement 227, je propose donc que le principe de l’entretien individuel soit établi par écrit dans la convention de forfait.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. Le principe de l’entretien figurant dans la loi, il n’est pas nécessaire de le poser à nouveau.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’idée de l’entretien annuel était judicieuse, mais quelle est la sanction de la non-observation de cette norme ? Comment savoir qui n’a pas voulu que l’entretien ait lieu ? Ces questions ne manqueront pas de se poser. J’aimerais donc connaître le sentiment du rapporteur et du ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – C’est le juge qui appréciera en fonction du préjudice qui aura pu être porté.
M. Roland Muzeau – Il faudra donc aller au contentieux !
L’amendement 227, mis aux voix, n’est pas adopté.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Mon amendement 275, qui a été accepté par la commission, prévoit que cet entretien porte également sur « l’organisation du travail dans l’entreprise ainsi que l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ». Je suis conscient que cette rédaction est imparfaite, mais la commission tenait à ce que ces dimensions soient prises en compte.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Favorable.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Je ne puis me satisfaire que le ministre me réponde que la sanction de l’inobservation…
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – C’est d’ordre réglementaire.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec – …passera par la saisine de la juridiction. Jamais un salarié n’agira ainsi ! Ce n’est pas sérieux et c’est inefficace eu égard aux délais de jugement par les prud’hommes.
Quant à vous, Monsieur le rapporteur, vous êtes resté au milieu du gué. Il fallait dire quel document fait foi, de quelle manière est fixé le mode de la rencontre, si le salarié peut être assisté… Cette disposition ne sera d’aucune efficacité pour préserver les intérêts des parties. Elle est donc totalement inopérante.
M. Francis Vercamer – Il y a tout de même un risque pour l’entreprise, et c’est pour cela que j’ai proposé cet amendement. Si l’entretien n’a pas lieu, le juge tranchera. Il est certain que la convention sera cassée puisque l’entretien est d’ordre public. L’entreprise devra donc verser une indemnité. Mais il est vrai que vous auriez pu répondre plus précisément, Monsieur le ministre.
L’amendement 275, mis aux voix, est adopté.
M. Dominique Tian – Il est étonnant que cet article laisse au juge, saisi par un salarié au forfait qui perçoit des rémunérations manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, le soin de calculer l’indemnité due en fonction du préjudice subi. Mieux vaut éviter d’en arriver là, comme M. Vercamer l’a proposé il y a quelques instants. L’amendement 203 vise donc à supprimer l’alinéa 22.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. La formulation figure déjà à l’article L. 3121-50 du code du travail, et la référence au juge judiciaire inclut le juge des prud’hommes. Cet alinéa ne bouleverse donc pas le texte.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Je demande le retrait de l’amendement. Celui-ci reprend à l’identique les dispositions de l’article L. 3121-50 qui garantissent au salarié une rémunération proportionnelle aux responsabilités qui lui incombent, et sur lesquelles le Gouvernement n’a pas du tout l’intention de revenir. Je partage le souci de sécurisation des relations du travail. Dans cet esprit, si le recours au juge existe depuis 2000, il reste encore peu utilisé. Sa mention, dans le cadre de la prescription de cinq ans, est une garantie importante.
L’amendement 203 est retiré.
M. Francis Vercamer – L’amendement 238 vise à permettre au salarié ayant signé une convention de forfait de se rétracter dans un délai de sept jours, comme pour tout contrat.
L’amendement 238, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.
M. Francis Vercamer – Afin d’éviter une procédure devant le juge judiciaire, l’amendement 239 prévoit une conciliation devant le conseil des prud’hommes.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – La commission souhaite modifier l’amendement par les deux sous-amendements 1701 et 1702, le premier précisant que cette conciliation est éventuelle, car on ne peut pas obliger les gens à engager une conciliation, le second supprimant une redondance.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Avis favorable sous réserve de l’adoption des deux sous-amendements.
M. Alain Vidalies – En cas de litige entre salarié et employeur, c’est forcément la procédure prud’homale qui s’enclenche. Si le code du travail mentionne le juge judiciaire, c’est parce qu’il désigne ainsi, désormais, toutes les juridictions non administratives. La mention d’une conciliation est donc inutile, car on ne peut faire, dans la procédure prud’homale, l’économie d’une conciliation. À moins que vous ne vouliez prévoir au préalable une conciliation complètement informelle – mais alors, nous n’écririons pas du droit. Mieux vaut donc en rester à la rédaction initiale.
M. Francis Vercamer – Si le ministre me confirme que le juge judiciaire est bien le conseil des prud’hommes, je retirerai l’amendement. Ce n’est pas ce que j’avais compris.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Je vous le confirme.
L’amendement 239 est retiré.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Pour supprimer toute ambiguïté, l’amendement 87 précise que, dans l’hypothèse où le minimum conventionnel applicable serait inférieur aux salaires pratiqués dans l’entreprise, la rémunération la plus avantageuse pour lui s’applique au salarié sous convention.
M. Roland Muzeau – L’amendement 1662 est identique. L’article L. 3121-44 prévoit des dispositions assez curieuses. Il ouvre ainsi au salarié qui perçoit une rémunération sans rapport avec ses sujétions la possibilité de saisir le juge judiciaire, sous réserve qu’aucune clause conventionnelle ou contractuelle ne s’y oppose. Il suffira donc aux employeurs peu scrupuleux de prévoir une simple clause contractuelle pour fermer toute voie de recours ! Il est d’ailleurs peu probable qu’un salarié sous contrat prenne le risque d’un litige avec son employeur.
En outre, l’article propose que les indemnités dues au salarié qui aura saisi le juge soient versées par référence au salaire minimum conventionnel applicable et, à défaut – à défaut seulement –, par référence au salaire minimum pratiqué dans l’entreprise. On peut difficilement parler ici de mesure susceptible de réparer réellement le préjudice subi ou de dissuader l’employeur de se livrer à de mauvaises pratiques. L’amendement propose donc de retenir le critère objectif du salaire pratiqué dans l’entreprise et correspondant aux qualifications du salarié.
M. Alain Vidalies – Les amendements 1416 à 1430 relèvent du même souci.
Les amendements 87 et 1662, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.
M. le Président – Par conséquent, les amendements 1416 et suivants tombent.
Mme Martine Billard – L’amendement 141 tend à supprimer les alinéas 23 à 26 de l’article, qui retirent au salarié sous convention de forfait jours le bénéfice de la limitation de la durée de travail quotidienne à dix heures ainsi que de la limitation de la durée hebdomadaire à 48 heures. De nombreux salariés concernés par ces conventions se déplacent beaucoup chez les clients. Naguère, il existait des accords prévoyant que le temps de déplacement, ou à tout le moins une partie de ce temps, était compté dans le temps de travail. Cela a été supprimé par une loi de votre majorité. Comme, dans le forfait en jours, un salarié peut travailler treize heures dans une journée, si l’on y ajoute le déplacement aller et retour, cela laisse peu de temps de repos. En outre, les temps d’astreinte ont également été retirés du temps de travail effectif.
Vous proposez que la semaine de 48 heures ne soit plus opposable à ces salariés. Il est vrai que c’est le cas depuis le début du forfait jours. Or, la loi européenne limite la semaine de travail à 48 heures – nous ne sommes pas dans l’opt out, puisque le ministre a pris l’engagement que cela ne serait pas transcrit en droit français. Ces alinéas sont donc en infraction avec le droit européen. J’espère, s’ils sont votés, que des salariés les attaqueront devant le juge communautaire, pour que nous revenions à des dispositions plus humaines.
M. Roland Muzeau – L’amendement 1660 est identique.
Les amendements 141 et 1660, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’alinéa 26, dont nous demandons la suppression par les amendements 1431 à 1445, dispose que les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire ni à la durée quotidienne maximale du travail. La suppression des normes en la matière – car c’est de cela qu’il s’agit – ne manquera pas d’avoir des effets catastrophiques. Le président de la CFE-CGC s’est adressé formellement aux députés pour demander qu’un amendement au projet de loi garantisse, pour des raisons de santé publique, les plafonds de 10 heures de travail quotidien, de 48 heures de travail hebdomadaire, et de 218 jours travaillés dans l’année. Pour ces deux derniers points, c’est déjà fichu. Enfin, comme il n’est pas possible à la fois de faire de grandes déclarations sur la santé au travail et de débrider totalement le temps de travail, il ajoutait que le Gouvernement porterait l’entière responsabilité de l’explosion du nombre des arrêts maladie – et du déficit de la sécurité sociale – ou des suicides. Ce responsable syndical, qui n’est pas le plus excessif, mettait le doigt sur les conséquences réelles de l’ensemble de la dérégulation de la durée du temps de travail.
Les amendements 1431 et suivants, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. Alain Vidalies – Les amendements 1446 à 1460 sont défendus.
Ces amendements, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. Alain Vidalies – Les amendements 1476 à 1490 visent à restreindre le champ d’application du forfait annuel en heures, qui peut désormais s’appliquer aux cadres et aux salariés « qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps » alors que jusqu’à présent, il ne concernait que les cadres et les salariés itinérants non cadres « dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées ». Quand on pense que ce forfait était à l’origine destiné aux seuls cadres, on mesure l’ampleur de vos rectifications successives…
Pouvez-vous donner une estimation du nombre de salariés concernés par cette extension ? Et comment mener un débat aussi important sans aucune étude d’impact ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Comme pour les lois Aubry !
M. Alain Vidalies – C’est justement parce que nous n’étions pas en mesure d’évaluer les conséquences du nouveau dispositif…
M. Dominique Tian – Désastreuses !
M. Alain Vidalies – …que nous avons voté deux lois Aubry – seule la seconde étant obligatoire. Appliquez cette mesure à titre expérimental, et retrouvons-nous dans un an pour décider en connaissance de cause ! Parce qu’aujourd’hui, on peut soutenir que la nouvelle définition ne concerne quasiment personne, ou qu’elle touchera 3 % des salariés, ou 30 %. Comment savoir ?
Vous votez donc la loi sans savoir, non pas parce que vous ne connaissez rien à l’entreprise mais parce que la nouvelle définition ne veut rien dire. Le changement est assez limité en ce qui concerne les cadres, mais comment mesurer l’autonomie du reste des salariés ? Le législateur n’en dit pas un mot, il n’y a pas d’étude d’impact mais il faut voter ! Grâce à cette définition, il ressortira de n’importe quelle négociation d’entreprise, à la moindre difficulté, que les salariés sont autonomes et qu’on peut leur appliquer le forfait annuel, qui est beaucoup plus flexible et qui nuit à leur vie personnelle et sociale. Nous sommes donc très hostiles à cette extension subite du champ d’application du forfait annuel en heures, que personne ne vous a jamais demandée, qui ne figure pas dans l’accord des partenaires sociaux et qui aurait mieux fait de rester dans les conventions de l’UMP plutôt que de venir encombrer le Parlement de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).
Les amendements 1476 et suivants, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Mme Martine Billard – L’amendement 142 est défendu.
M. Christophe Sirugue – Les amendements 1461 à 1475 sont identiques à l’amendement 142. Il s’agit de préciser que les salariés qui pourront se voir appliquer le forfait annuel en heures sont des salariés itinérants, qui ont un cadre d’emploi et des horaires particuliers. Une définition plus large nuirait à l’ensemble des salariés.
Les amendements 142 et 1461 et suivants, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – L’amendement 89 précise que la mise en œuvre d’une convention individuelle de forfait ne se présume pas et qu’elle doit donc faire l’objet de l’accord écrit du salarié. La même disposition a été adoptée pour le forfait en jours.
L’amendement 89, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
Mme Martine Billard – Les forfaits annuels en heures, qui ne s’appliquaient qu’aux cadres, sont désormais étendus à de nouvelles catégories de salariés. Il est donc important de reprendre les garanties qui existaient dans le code du travail à propos des documents qui permettent de comptabiliser les heures de travail de chaque salarié. C’est l’objet de l’amendement 168. Quel que soit le nombre de salariés concernés par l’extension du forfait, ils doivent de toute façon avoir les moyens de contrôler leurs heures et de se défendre si nécessaire. Je m’étonne que ce petit alinéa ait disparu, comme par hasard, alors que vous avez repris le précédent. Enfin, je rappelle au rapporteur que les forfaits jours comprenaient auparavant des jours de RTT. Je ne suis pas sûre que les salariés gagnent à ce qu’ils soient remplacés par une rémunération à 110 %.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable. Le titre VII du code du travail sur le contrôle de la durée du travail et des repos s’applique toujours intégralement. Cet alinéa a disparu parce que la loi n’a pas à préciser qu’elle respecte la loi en vigueur.
Mme Martine Billard – Mais cet alinéa y figurait précédemment !
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Je comprends, mais ce n’est pas nécessaire.
L’amendement 168, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.
M. Roland Muzeau – L’amendement 1663 est défendu.
M. Alain Vidalies – Les amendements 1491 à 1505 le sont aussi.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis.
L’amendement 1663, mis aux voix, n’est pas adopté, non plus que les amendement 1491 et suivants.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – L’amendement 90 précise que, pour les conventions de forfait heures, la rémunération qui sera prise en compte ne sera pas la rémunération conventionnelle mais la rémunération effectivement applicable dans l’ entreprise, comme nous l’avons voté tout à l’heure pour le forfait jours.
L’amendement 90, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
Mme Martine Billard – L’amendement 143 est défendu.
M. Roland Muzeau – Le 1664 est identique.
Les amendements 143 et 1664, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. Alain Vidalies – Les amendements 1506 rectifié à 1520 rectifié sont défendus.
Les amendements 1506 et suivants, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
M. Roland Muzeau – L’amendement 1665 est défendu.
L’amendement 1665, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.
L’article 17, modifié, mis aux voix, est adopté.
APRÈS L’ART. 17
Mme Martine Billard – L’amendement 178 supprime l’article 2 de la loi du 8 février 2008 sur le pouvoir d’achat, qui introduit le gré à gré dans la négociation sur le repos compensateur.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Cette disposition transitoire, expérimentale, prendra fin au 31 décembre 2009. Et comme l’opposition nous demande de prendre nos dispositions à titre expérimental, nous ne pouvons que repousser cet amendement !
L’amendement 178, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.
ART. 18
Mme Martine Billard – L’amendement 144 tend à supprimer l’article 18, lequel se substitue aux dispositions actuelles du code du travail relatives à la « répartition de l’horaire collectif » et va faire disparaître les actuels accords de modulation.
M. Jean Mallot – L’amendement 1521 est identique, ainsi que les amendements 1522 à 1535.
Le Gouvernement, en allant au-delà de la position commune, a commis un acte de forfaiture. Il a trahi la parole donnée. Et ce week-end sont venues s’ajouter les provocations du Président de la République, prétendant que désormais, lorsqu’il y a des grèves, on ne s’en rend plus compte…
Monsieur le ministre, ce forfait que vous commettez sera pour vous une tunique de Nessus, qui vous collera à la peau. Souvenez-vous : le centaure Nessus ayant tenté d’enlever Déjanire, l’épouse d’Héraclès, et de la violer, Héraclès lui avait décoché une flèche mortelle ; quelque temps plus tard, Déjanire, jalouse de l’amour de son mari pour Iole, décida de lui envoyer la tunique de Nessus ; mais sitôt qu’il la mit, Héraclès sentit sa peau le brûler sous l’effet du poison de l’Hydre ; apprenant son erreur, Déjanire se suicida et Héraclès, ne pouvant supporter la douleur, fit dresser un bûcher où il mourut incinéré… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Je pense que votre carrière, Monsieur le ministre, souffrira beaucoup de votre trahison.
On retrouve dans l’article 18 l’inversion de la hiérarchie des normes et l’idée qu’« à défaut » d’accord collectif, « un décret » définira « les modalités et l’organisation de la répartition de la durée du travail sur plus d’une semaine ». Nous aimerions en savoir un peu plus sur le contenu de ce décret.
M. Christophe Sirugue – Nous demandons la suppression de cet article car il porte atteinte aux dispositifs d’aménagement du temps de travail qui avaient été négociés, qui permettaient de reconnaître cinq grands principes : la modulation, l’annualisation, le temps partiel modulé et le travail par cycle. Vous prônez des accords d’entreprise là où nous souhaitons des accords de branche afin de mieux protéger les salariés.
M. Roland Muzeau – Notre amendement 1666 vise également à supprimer l’article.
La loi Aubry II permettait à l’employeur de faire varier la durée du travail d’une semaine à l’autre, sans acquitter d’heures supplémentaires lors des périodes hautes et sans avoir à mettre le salarié en chômage technique pendant les périodes basses ; mais votre texte allège considérablement l’encadrement du système, en supprimant nombre de procédures de négociation ou de consultation. Nous ne saurions l’accepter.
M. Jean-Patrick Gille – On retrouve dans cet article la même mécanique que précédemment : accord d’entreprise ; à défaut, accord de branche ; à défaut d’accord collectif, décret ; et par dérogation, possibilité de décision unilatérale de l’employeur. Il n’est même plus besoin que la modulation du temps de travail soit justifiée par des données économiques.
Quant aux dispositions sur le début et l’achèvement de la semaine civile, on se demande pourquoi le Gouvernement les a modifiées : la rédaction proposée laisse entendre que l’accord d’entreprise pourra déterminer en toute liberté quand commence la semaine civile…
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable à ces amendements. Cet article vise à simplifier le droit existant en substituant à la multiplicité des régimes d’aménagement du temps de travail un dispositif unique fondé sur la négociation collective. Le niveau de l’entreprise étant privilégié dans l’ensemble du texte, on comprendrait mal qu’il ne le soit pas ici.
Les amendements de suppression, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. Alain Vidalies – S’il y avait une multiplicité de modèles, c’est que les besoins étaient très différents selon les entreprises. On ne répond pas à des exigences différentes de façon semblable. Certaines entreprises – les industries lourdes ou les entreprises de papeterie – doivent travailler en continu : c’est une donnée de départ que les partenaires sociaux prenaient en compte pour décliner les exigences particulières de chaque entreprise. De la même façon, certaines entreprises travaillent par cycles : les questions de saisonnalité, d’amplitude ne s’y posent pas de la même façon.
Cette simplification à courte vue ignore en fait la diversité de la réalité. Des accords avaient été signés suivant les spécificités des entreprises, et c’est pour cela qu’existaient des modèles différents – et d’après les partenaires sociaux, ceux-ci correspondaient aux besoins du terrain.
On touche encore une fois au débat sur la question sociale, qui devient un élément de compétition économique entre les entreprises. Ouvrez simplement le journal : ce n’est pas une hypothèse d’école – on voit tous les jours que des salariés subissent un chantage pour accepter des conditions de travail dérogatoires. Est-il normal, même pour sauver leur emploi, d’obliger les salariés à passer du travail en 3x8 au travail en 4x8, c’est-à-dire en ajoutant un week-end sur deux à peu près ?
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis – Dans certains cas, il faut le faire !
M. Alain Vidalies – Vous savez ce que cela veut dire : ces samedis, ces dimanches, les salariés ne verront pas leur famille, ne feront pas de sport, ne se cultiveront pas. On ne peut pas s’adresser à eux en les traitant d’incapables et de fainéants ! Ils font déjà les 3x8 Monsieur Poisson, vous savez que les enquêtes sur la pénibilité montrent que c’est un des principaux facteurs de décès et de vieillissement prématurés. Mais quand on vous dit : c’est ça ou la porte, quel choix a-t-on ?
Vous imposez aux salariés des conditions beaucoup trop dures, qui n’ajouteront rien à la compétitivité française. Ce n’est pas là la liberté, l’innovation ; c’est un désordre économique et social qui créera bien des difficultés pour beaucoup de gens.
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis – La conclusion est erronée.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable. Je ne reviens pas sur la question de la concurrence. Sur la prise en compte de la spécificité des entreprises, nous considérons effectivement que c’est la négociation au niveau de l’entreprise qui permettra de la prendre en compte de la façon la plus satisfaisante : c’est un vrai désaccord entre nous.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis.
L’amendement 1536, mis aux voix, n’est pas adopté.
Mme Martine Billard – L’amendement 179 est de cohérence. L’article 18 de votre projet représente, à l’évidence, une régression de plus. Pendant des décennies, les salariés se sont battus pour réduire – voire supprimer – le travail de nuit, le travail du dimanche, le travail en 3x8. Vous allez dans le sens inverse : vous avez déjà étendu le travail de nuit, vous étendrez bientôt le travail du dimanche, et vous libérez toutes les possibilités d’organisation du travail en 3x8, en 4x8, en travail horaire continu.
M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis – C’est la réalité !
Mme Martine Billard – La réalité a bon dos ! Si nous, politiques, renonçons à nous battre pour un projet de société, si nous nous plions à tout ce que veut le marché, pourquoi ne pas fixer les salaires français au niveau de ceux des pays émergents ? C’est aussi la réalité !
M. Benoist Apparu – Arrêtez !
Mme Martine Billard – Vous vous pliez à des obligations qui n’ont pas lieu d’être. Ces « réalités » ont toujours existé : relisez les débats qui ont eu lieu depuis le début du XXe siècle, vous retrouverez toujours la même antienne. Nous n’entendons plus, c’est vrai, la droite et le patronat nous expliquer que la réduction du temps de travail risquerait de développer l’oisiveté et l’alcoolisme ; mais depuis un siècle, tous les autres arguments sont les mêmes ! Eh oui, le conflit entre le patronat et les salariés existe depuis longtemps.
Le rapport de forces est aujourd’hui en faveur du patronat, et vous en profitez pour casser les protections collectives et revenir à la situation qui prévalait dans les entreprises avant la seconde guerre mondiale. Dont acte. Mais ne croyez pas que vous avez gagné à tout jamais ! Un jour, vous perdrez ; les travailleurs repartiront à la bataille pour reconstruire des protections collectives. Ce n’est pas un débat idéologique sur la durée du travail quotidien, mais un débat concret sur les conditions de travail, sur la santé, sur la vie en société, sur la vie en famille. Ces batailles, que nous avions crues derrière nous, reviendront.
Vous parlez de travail tout au long de la vie ; mais comment demander à des salariés de continuer à travailler au-delà de 60 ans en leur proposant des semaines de 48 heures, l’extension des 3x8, voire le passage aux 4x8 ? Pourront-ils supporter, physiquement, de telles conditions de travail ? Vous n’osez même pas proposer un débat sur ce sujet – on pourrait imaginer la possibilité de travailler plus lorsque l’on est jeune, puis de diminuer son temps de travail. Mais non ! Ce que vous proposez, c’est travailler plus, tout le temps, jusqu’à en mourir (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis.
L’amendement 179, mis aux voix, n’est pas adopté.
M. Christophe Sirugue – L’amendement 1551 vise à imposer la reconnaissance des accords majoritaires ; des accords minoritaires ne doivent pas pouvoir remettre en cause des organisations du travail qui résulteraient d’accords majoritaires. Notre inquiétude sur les conséquences économiques et sociales de cet article 18 est grande ; elles seront fortes en effet, non seulement sur la vie professionnelle, mais aussi sur la vie personnelle de tout un chacun. On pourrait aboutir à ce que l’organisation du temps de travail se fasse sans aucun dialogue social : l’employeur aura en effet la possibilité d’imposer des modifications très importantes dans la durée et l’organisation du travail.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable. Les règles sur la représentativité sont établies au titre I du projet de loi.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis.
L’amendement 1551, mis aux voix, n’est pas adopté.
M. Alain Vidalies – L’amendement 1566 est défendu.
L’amendement 1566, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.
Mme Martine Billard – L’amendement 145 est défendu.
L’amendement 145, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.
M. Marcel Rogemont – L’amendement 1581 vise à permettre aux salariés de connaître à l’avance l’organisation de leur travail. Il faut prendre en compte la nécessité d’une vie familiale, d’une vie personnelle – sinon, le salarié ne sera pas efficace dans son travail.
L’amendement 1581, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.
M. Roland Muzeau – L’article 18 réduit considérablement les mentions obligatoires dans les accords collectifs qui mettront en place l’annualisation et la modulation des horaires de travail sur une partie de l’année. C’est une grande partie de la modernité sociale qui disparaît : c’est la négation de décennies de luttes sociales et politiques, la négation du progrès humain. Votre texte supprime la discussion collective obligatoire sur l’aménagement du temps de travail dans l’entreprise : l’employeur pourra en décider unilatéralement ; il n’y aura plus de discussion sur le rythme de travail, les plannings, les périodes hautes et basses. Là encore, nous sommes inquiets de l’impact de telles mesures sur la santé et la sécurité des salariés. Voilà pourquoi l’amendement 1667 rétablit les conditions que vous avez supprimées.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable. Du point de vue des principes, il me semble que nous devons renvoyer ces questions à la négociation, et non à la loi. Mais je sais que c’est une divergence récurrente entre nous…
J’ajoute que cet amendement ne concerne que la modulation des horaires, alors que l’article porte sur tous les régimes d’aménagement du travail. Enfin, il me paraît difficile d’imaginer des accords n’abordant pas les différents sujets auxquels vous avez fait référence.
L’amendement 1667 mis aux voix, n’est pas adopté
M. Régis Juanico – De façon très pernicieuse, ce texte modifie peu à peu les équilibres. Avec cet alinéa, vous allez faire primer les décisions unilatérales des entreprises fonctionnant en continu, ce qui nuira aux conditions de travail des salariés. Nous allons aboutir à des rythmes de vie totalement désynchronisés.
Les lois Aubry avaient pourtant instauré un équilibre permettant de concilier les besoins de souplesse des entreprises avec la vie privée et familiale des employés.
M. François Rochebloine – C’est un point de vue tout à fait personnel !
M. Régis Juanico – Afin d’éviter que l’article 18 ne bouleverse trop les équilibres, nous proposons, par les amendements 1596 et suivants, que l’expression « à défaut » soit supprimée.
Ces amendements, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Mme Martine Billard – En autorisant la fixation d’un délai de prévenance inférieur à sept jours, le texte reprend certes les dispositions en vigueur, mais en supprimant la notion de « contreparties » mentionnée par l’article L. 3122-14. Ces contreparties n’étant pas indues, loin de là, l’amendement 180 tend à revenir à la situation actuelle. Chacun sait que la modification des horaires a des conséquences sur la vie des salariés, notamment en matière de garde des enfants ou de transports. Il faut s’organiser autrement.
Mme Brunel a poussé un cri du cœur au sujet du dépassement du temps de travail tout à l’heure, et elle n’avait pas tort. Je m’étonne d’ailleurs que la délégation aux droits des femmes n’ait pas été saisie de toutes ces questions. Si la réduction du délai de prévenance frappera tous les foyers, les conséquences seront encore plus graves pour les familles monoparentales. Imaginez ce qui se passera si la modification des horaires n’est connue que deux ou trois jours à l’avance !
En ne reprenant pas la notion de contreparties, ce texte pénalisera le travail des femmes. C’est d’autant plus étonnant que vous avez fait adopter, il y a peu, une loi sur l’égalité salariale. Il ne faudra pas s’étonner que la situation ne progresse pas si nous régressons à ce point en matière de délai de prévenance.
M. Roland Muzeau – Très bien !
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Avis défavorable.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même position.
M. Patrick Roy –Ce projet de loi, très peu humaniste, emportera de graves conséquences pour les femmes. C’est pourquoi nous aimerions que la commission et le Gouvernement soient un peu plus loquaces.
L’amendement 180, mis aux voix, n’est pas adopté.
Mme Martine Billard – L’amendement 146 tend à supprimer l’alinéa 10.
M. Roland Muzeau – L’amendement 1668 est identique.
Les amendements 146 et 1668, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Mme Martine Billard – Je défendrai en même temps les amendements 147 et 148, tous deux relatifs à l’alinéa 11, qui permet aux chefs d’entreprises fonctionnant en continu de modifier unilatéralement le temps de travail sur « plusieurs semaines ».
L’amendement 147 tend à supprimer cet alinéa. Qui a bien pu demander à ce qu’il n’y ait plus de négociation sur les rythmes de travail dans ce type d’entreprises ? Par ailleurs, j’aimerais savoir quelle sera la limite dans le temps. Si l’amendement 147 n’était pas adopté, je défendrai l’amendement d’appel 148, qui fixe un plafond de quatre semaines.
Mme Catherine Lemorton – Les amendements 1611 à 1625 sont identiques à l’amendement 147. Il n’est pas acceptable que l’organisation du travail sur plusieurs semaines puisse être décidée, à titre dérogatoire, par le seul chef d’entreprise.
Je ne reviens pas sur la question du délai de prévenance, ni sur la durée concernée, mais vous me permettrez de rappeler que cette disposition désorganisera la vie personnelle des salariés. Je pense en particulier aux femmes et aux familles monoparentales.
Pourquoi avoir rejeté nos amendements tendant à protéger les salariés qui refuseraient les nouvelles modalités d’organisation de leur travail ? Contrairement à ce que vous voulez nous faire croire, ces salariés risquent un licenciement. Je remercie d’ailleurs Mme Brunel de l’avoir reconnu.
À l’alinéa 21 de l’article 17, le rapporteur nous a demandé d’adopter un amendement instaurant un rendez-vous annuel entre le salarié et son employeur en matière de charge de travail et de conciliation entre vie professionnelle et vie privée. Pourquoi oubliez-vous cette question à l’article 18 ? Il y a une contradiction.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Permettez-moi d’ajouter un mot. Dans sa rédaction actuelle, le code du travail permet de fixer les cycles de travail sur plusieurs semaines dans les entreprises fonctionnant en continu ainsi que dans les cas prévus par décret ou par voie de convention collective. Or, vous allez supprimer toute condition. La loi ne renvoyant plus à un décret, toutes les formes d’activité pourront être concernées, et vous allez restreindre considérablement les limites. La décision de l’employeur s’imposera sans qu’il soit besoin de consulter le comité d’établissement ou les délégués du personnel, ce qui est totalement anachronique.
La question posée par notre collègue Martine Billard me semble très pertinente. Pourquoi sortir du dispositif actuel ? L’extension que vous nous proposez est fort surprenante.
M. Roland Muzeau – L’amendement 1669 tend également à supprimer l’alinéa 11. La loi ne renverra plus au décret pour fixer les secteurs concernés, et vous allez en outre renforcer les pouvoirs de décision unilatérale de l’employeur, ce qui est une régression considérable.
En effet, nul ne peut nier les conditions de travail très particulières qui sont imposées aux salariés concernés. Au fil du temps, le code du travail avait été modifié en vue de prendre en compte la spécificité du travail en continu, notamment en matière de contrôles médicaux, de congés ou encore d’horaires. Pourquoi faire fi de cette spécificité ?
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – L’article L. 3122-3 du code du travail prévoit que les cycles de travail, dont la durée est fixée à quelques semaines, peuvent être mis en place dans les entreprises qui fonctionnent en continu et lorsque cette possibilité est autorisée par décret ou prévue par une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement qui fixe alors la durée maximale du cycle.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Toutes les entreprises peuvent donc être concernées.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Non, nous maintenons, que je sache, cette disposition.
Madame Lemorton, les conventions de forfait en jours ou en heures sont individuelles et peuvent ne pas faire l’objet d’accord collectif. Elles doivent en revanche faire l’objet d’un accord exprès du salarié, ce qui suppose qu’à chaque révision, les aspects concernant la vie familiale ou personnelle soient évoqués.
Les aménagements de temps de travail font l’objet soit d’un accord collectif soit d’un décret, qui fixent les conditions de délai de prévenance, de changement de durée ou d’horaires de travail.
Mme Catherine Lemorton – Combien de semaines ?
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Je laisserai le soin à M. le ministre de répondre. Je ne suis pas certain qu’il existe une telle limite dans les textes actuels mais je suppose que le décret pourrait la prévoir, ou à défaut, la convention collective.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis. S’agissant des cycles dans les entreprises fonctionnant en continu, il n’y a pas de changement par rapport à la situation actuelle.
Mme Catherine Lemorton – Combien de semaines ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – C’est une circulaire qui fixe le nombre de semaines, compris, je crois, entre 8 et 12.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’article L. 3122-3, dans sa rédaction actuelle, précise que dans les entreprises qui fonctionnent en continu, cette possibilité est autorisée par décret ou prévue par une convention. Tel qu’issu de votre rédaction, l’article L. 3122-3 prévoit que le temps de travail peut être organisé sur plusieurs semaines par décision de l’employeur. Il n’est donc plus fait référence au décret ! Gardez-vous, Monsieur le rapporteur, d’apporter des précisions contraires à la lecture que l’on peut faire de ce texte !
Les amendements 147, 1661 à 1625 et 1669, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Mme Martine Billard – L’amendement 148 a été défendu.
L’amendement 148, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – L’amendement 91 est rédactionnel.
L’amendement 91, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
Mme Martine Billard – Les accords de modulation du temps de travail prévoient qu’il est interdit de faire récupérer des heures rémunérées d’absence autorisée, notamment en cas de maladie ou d’accident. Ces accords de modulation sont réintégrés, sans toutefois que cette dernière disposition figure dans l’article 18. Il pourrait donc être exigé des salariés qu’ils récupèrent ces absences.
L’amendement 169 vise à remédier à cette lacune. Mais peut-être le rapporteur ou le ministre m’expliqueront-ils que ces droits sont maintenus ailleurs ? Je souhaite que cela soit explicite.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Défavorable. Dans l’esprit du texte, cette clause a vocation à figurer dans l’accord collectif. Mais je souhaiterais que le ministre nous confirme que le décret prévoira de telles garanties.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Je vous le confirme. Même avis.
Mme Martine Billard – Il est inquiétant de voir un sujet aussi important réglé à la va-vite. Quand M. le rapporteur dit que cela a vocation à être réglé par l’accord collectif, cela signifie a contrario qu’un accord peut prévoir que ce ne soit pas le cas. Ce qui revient à mettre en cause une grande partie de notre droit. Monsieur le ministre, cette garantie sera-t-elle prévue uniquement dans les accords collectifs ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Voulez-vous que je vous rappelle l’article de loi ? Vous le connaissez : il s’agit du L. 3122-27, qui donne la liste des absences pouvant être récupérées.
L’amendement 169, mis aux voix, n’est pas adopté.
Mme Martine Billard – L’amendement 170 vise lui aussi à maintenir les droits des salariés en prévoyant qu’en cas de rupture du contrat de travail pour motif économique intervenant après ou pendant une période de répartition des horaires, le salarié conserve le supplément de rémunération.
Monsieur le ministre, l’article L. 3122-17 figure dans la troisième partie du code du travail, qui est abrogée ! Même chose pour l’article L. 3122-18, qui concerne le supplément de rémunération.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – J’ai parlé du L. 3122-27.
Mme Martine Billard – Je vais vérifier.
L’amendement 170, mis aux voix, n’est pas adopté.
M. Francis Vercamer – L’amendement 231 vise à garantir au salarié que ses besoins seront pris en compte lorsque l’employeur examinera sa demande de modification d’horaire ou du rythme de travail.
L’amendement 231, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L’article 18, modifié, mis aux voix, est adopté.
ARTICLE 19
Mme Martine Billard – M. le ministre, décidément, est coutumier du fait ! Il cite des articles qui sont sans rapport : l’article L. 3122-27 porte sur la récupération des heures perdues par suite d’interruption collective du travail – causes accidentelles, intempéries ou cas de force majeure –, ce qui n’a rien à voir avec les interruptions pour cause de maladie ou d’accident, visées par les articles L. 3122-17 et L. 3122-18. L’amendement 149 est défendu.
M. Alain Vidalies – Très bien !
M. Jean Mallot – En cette fin de séance, M. le ministre adopte à notre endroit un ton assez difficile à accepter.
L’article 19 a notamment pour objet d’adapter la loi TEPA au dispositif que vous vous proposez d’adopter. L’exposé des motifs affirme que le temps de travail constitue un champ privilégié pour « l’épanouissement d’un dialogue social rénové ».
Dans le dictionnaire, « épanouissement » est synonyme d’« éclosion », de « floraison », de « plénitude ». Il conviendrait ici de rajouter « explosion » et « dynamitage » ! Cet épanouissement à la Bertrand, nous n’en voulons pas ! Avec l’article 19, on est très loin de la position commune. Vous feriez bien de demander aux syndicats ce qu’ils en pensent (« Et vous ? » sur les bancs du groupe UMP).
Nous, nous les voyons tous les jours.
M. Benoist Apparu – Vous les aviez consultés sur les 35 heures ?
M. Jean Mallot – Vous, vous n’êtes pas encore revenus de cette audition organisée par l’UMP. Vous les avez rencontrés une fois ! La belle affaire…
L’article 19 évoque la loi du 8 février 2008 sur le pouvoir d’achat. Il serait intéressant de dresser un premier bilan de cette loi qui prévoit de monétiser les RTT, ou le repos compensateur – le salarié pourra ainsi vendre sa santé, aux enchères peut-être !(Protestations sur les bancs du groupe UMP)
Sept mois après le lancement des heures supplémentaires défiscalisées, prévues par la loi TEPA, on constate entre mars et avril une augmentation de 2 % seulement, soit un gain de rémunération net de 10 euros par mois. Beaucoup de salariés risquent de perdre d’une main ce qu’ils auront gagné de l’autre : Monsieur le ministre, vous devriez prendre la précaution de mentionner le fameux bouclier fiscal, qui pourra être bien utile pour protéger tous ces salariés contraints de travailler 3 055 heures par an !
On voit bien la cohérence de votre politique : vous dynamitez le code du travail ; la loi TEPA et la loi de modernisation économique jouent à plein ; vous portez aux nues l’auto-entrepreneur, le tâcheron indépendant. Il est temps de reprendre vos esprits ! Nos amendements 1626 à 1640 proposent donc de supprimer cet article.
M. Roland Muzeau – L’amendement 1670 est identique.
Les amendements 149, 1626 à 1640 et 1670, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – L’amendement 1672 est de conséquence.
L’amendement 1672, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L’article 19 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.
ARTICLE 20
M. Alain Vidalies – Les amendements 1641 à 1655 visent à supprimer cet article.
M. Roland Muzeau – L’amendement 1671 est identique.
Les amendements 1641 à 1655 et 1671, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – L’amendement 92 rectifie une erreur de référence.
L’amendement 92, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
M. Pierre Morange – L’amendement 156 rectifié a pour objet de faciliter l’extension du compte épargne temps à l’ensemble des entreprises. Le CET, qui a vocation à accompagner le salarié durant toute sa vie professionnelle, couvre désormais quelque deux millions de salariés – soit 6 % de ceux du régime général. Rappelons qu’il est l’expression même du dialogue social, puisqu’il exige le volontariat du salarié et de l’employeur.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Favorable.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Excellent amendement ! Il s’agit d’une vraie simplification qui donne sa place à la négociation d’entreprise. Favorable.
L’amendement 156 rectifié, mis aux voix, est adopté.
L’article 20 modifié, mis aux voix, est adopté.
APRÈS L’ARTICLE 20
M. Pierre Morange – Dans la perspective de la réforme de la formation professionnelle, l’amendement 155 vise à permettre aux partenaires sociaux de prévoir la possibilité d’affecter des droits à la formation professionnelle sur un CET.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Favorable.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis. Cet amendement simplifie le dispositif du CET, en termes d’alimentation – repos ou monétisation – comme en termes d’utilisation, puisque le salarié pourra utiliser ses droits pour financer de la formation.
L’amendement 155, mis aux voix, est adopté.
M. Pierre Morange – Je sais que le Gouvernement est plus réservé sur l’amendement 197, qui vise à renforcer l’attractivité du CET grâce à un mécanisme d’exonération de cotisations sociales dans la limite de dix jours par an. Je souhaite qu’une étude d’impact soit effectuée pour comparer les mécanismes mis en place dans le cadre de la loi TEPA et ceux que je propose par cet amendement. J’ai la conviction profonde que le CET peut constituer une alternative pertinente, aussi bien pour nos finances publiques que dans l’intérêt des entreprises et des salariés.
M. le Président – Je vous prie de m’excuser : cet amendement était tombé.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – M. Morange avait laissé entendre que le Gouvernement n’était pas favorable à cet amendement. Il est vrai que les dispositifs liés au CET ne présentent pas les mêmes avantages – notamment fiscaux – pour les salariés. Cela m’a été confirmé par les salariés d’une grande entreprise automobile dans laquelle je me suis rendu il y a quelque temps. Le PDG de l’entreprise a d’ailleurs saisi le ministère de l’économie et des finances sur cette question.
M. Pierre Morange – L’amendement 158 2e rectification, vise à faire bénéficier d’exonérations de cotisations fiscales et sociales, dans la limite de dix jours par an, toute somme déposée sur un CET dans le cadre d’un investissement de moyen et long terme. Il s’inscrit dans une logique de sécurisation de nos régimes de solidarité entre les générations. Les sommes ainsi immobilisées pourraient être utilisées pour défendre les intérêts économiques de notre pays.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Favorable.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Favorable, dans la limite de dix jours par an. Je lève le gage.
L’amendement 158 2e rectification, mis aux voix, est adopté.
M. Pierre Morange – L’amendement 157 a pour objet d’assurer la sécurisation des transferts des CET d’une entreprise à une autre. C’était l’un des freins à l’extension du dispositif, d’autant que le parcours professionnel ne s’effectue plus que rarement au sein d’une seule et même entreprise. Les droits du salarié peuvent être consignés auprès de la Caisse des dépôts et consignations, qui pourrait collecter ces sommes au profit de notre stratégie économique nationale – j’en ai parlé à Mme la ministre de l’économie et des finances.
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur – Favorable.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Favorable, car cet amendement organise une portabilité des droits du CET. Je lève également le gage.
M. Morange a de la suite dans les idées. Au moment de la discussion de la loi sur le pouvoir d’achat, je lui avais indiqué que ce n’était pas le bon véhicule juridique pour ces amendements. Nous y voici : le CET bénéficiera du nouveau cadre juridique que vous tracez avec ces amendements, et nous pouvons nous en réjouir (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).
M. Pierre Morange – Merci, Monsieur le ministre !
L’amendement 157, mis aux voix, est adopté.
M. le Président – Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi. Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet auraient lieu mardi 8 juillet à 15 heures.
Prochaine séance, cet après-midi, mardi 8 juillet 2008, à 15 heures.
La séance est levée à 0 heure 55.
Le Directeur du service
du compte rendu analytique,
Michel KERAUTRET
© Assemblée nationale
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